L'Eté de la sorcière by Nashiki Kaho

Auteur:Nashiki Kaho [Kaho, Nashiki]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Picquier
Publié: 2023-01-17T00:00:00+00:00

Deux jours plus tard, Mai avait retrouvé son rythme habituel. « Il se peut que tu te perdes parfois, mais si tu retrouves presque immédiatement la volonté de revenir sur ton chemin, alors cela voudra dire que ton entraînement de sorcière est en bonne voie », avait déclaré Grand-mère d’un air satisfait.

Elle était retournée une fois à cet endroit, juste pour voir. Tout était comme avant. Un petit coin paisible, où elle se sentait à l’aise. Elle avait perçu la volonté du lieu de l’envelopper d’une douceur bienveillante et s’était sentie rassurée. Elle s’était très certainement trompée cette fois-là, lorsqu’elle avait cru y déceler une atmosphère étrange et inquiétante. C’était ce qu’elle s’efforçait de penser.

Grand-mère lui avait recommandé d’ignorer les voix qui n’étaient pas celles qu’elle désirait entendre. Mais lui arriverait-il vraiment de désirer plus que tout entendre certaines voix ? Difficile de croire qu’elle puisse jamais espérer quelque chose d’aussi bizarre… mais peut-être ne pouvait-on pas devenir une vraie sorcière sans cela ?

Le poulailler avait été remis en état mais plus aucune poule ne caquetait à l’intérieur.

Genji connaissait quelqu’un qui pouvait lui donner des poules Chabo si elle le souhaitait, annonça Grand-mère au petit-déjeuner. Mai rétorqua qu’elle ne voulait plus voir de poules avant un bon moment. Que ce soit lui qui les offre, voilà ce qui la dérangeait le plus, en réalité.

— Mais accepte si tu veux.

Elle était prête à endurer quelques petits désagréments pour sa grand-mère.

— Eh bien… comme cette… chose vient à peine de se produire, je vais porter le deuil encore quelque temps.

C’était la première fois que Mai entendait cette expression mais elle en saisit aussitôt le sens. Il lui semblait que ces quelques mots exprimaient parfaitement ce qu’elle-même ressentait.

Ses couverts à la main, elle était sur le point de se lever de sa chaise quand Grand-mère ouvrit un tiroir dont elle tira une enveloppe.

— Tiens. Tu veux bien aller remettre cet argent à Genji ? Je me charge de débarrasser la table et de faire la vaisselle.

Son cœur se glaça aussitôt. Elle reposa ses couverts en silence et prit l’enveloppe.

— Maintenant ? demanda-t-elle d’une voix lugubre.

— Oui. Il vaut mieux aller le voir avant qu’il ne sorte.

Grand-mère ne semblait pas remarquer l’état dans lequel elle se trouvait. Impossible de fuir cette fois. Mai sortit donc, résolue à accomplir sa mission, mais avec comme un nœud dans la gorge.

Le vent soufflait fort. Un nuage de poussière tourbillonna devant elle alors qu’elle traversait le jardin de devant. Ce serait une des leçons de son apprentissage. Elle ne laisserait personne, non, rien ni personne, la troubler. Elle tenta de se détendre. Ce n’était qu’une banale tâche à accomplir, comme manger, faire le ménage ou la lessive. Si Grand-mère lui demandait d’aller arroser les légumes, alors elle arrosait les légumes. Si Grand-mère lui demandait d’apporter cette enveloppe, alors elle apportait cette enveloppe. C’était exactement la même chose. La maison était en vue. Il ne lui restait plus qu’à la déposer et à rentrer.

Deux voitures passèrent à toute vitesse. Elle s’arrêta un instant, juste avant la route.

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